Durant une année, j’ai eu le privilège d’intégrer plusieurs communautés monastiques du Canton de Fribourg (Suisse). J’ai restitué cette expérience au sein d’un corpus d’images résolument symbolique, dont le fond et la forme s’appuient sur la tradition pour mieux investir le présent.
En écho au mode de vie et à la raison d’être du monachisme, on y redécouvre le contour des thèmes métaphysiques universels. Réalisé à la demande du Musée d’Art et d’Histoire de Fribourg, ce travail documentaire a été exposé au sein de l’institution et fera bientôt l’objet d’une publication.
Un dimanche de printemps de l’an deux-mille-vingt-deux, un moine apparaît en éclaireur à l’orée du cloître de son abbaye. Il ouvre la voie processionnelle de la congrégation qui vient: au monastère, le corps individuel et le corps communautaire se conçoivent à l’unisson dans le respect de la règle et à l’abri des regards. Si la valeur et les implications de ce choix d’existence trouvent peu d’écho et de vocation de nos jours, on peut affirmer sans nul doute qu’il ne laisse personne indifférent. Car le désir de s’abandonner humblement à plus haut que soi afin d’éprouver la liberté intérieure semble s’inscrire plus que jamais à rebours de l’air du temps. Pourtant, la récente pandémie et le fantasme de la révolution vertueuse que beaucoup appelaient de leurs vœux, aura à tout le moins permis l’éveil et, peut-être, la possibilité de poser un regard nouveau sur l’isolement et l’ascèse monacales.
À la différence de la plupart des contenus d’information et de divertissement qui imprègnent notre monde en accaparant constamment nos sens et notre esprit, la photographie documentaire met durablement en lumière et en perspective la valeur de l’instant dans le silence. De nature contemplative, elle invite à l’introspection et à la transcendance. Convié à intégrer la clôture et à prendre part à la vie fraternelle durant plusieurs semaines, le photographe conscient de son privilège et de sa charge n’a pas à se perdre en conjectures dans l’élaboration de sa démarche.
À l’image du moine qu’il observe et imite: il chemine, vers la rencontre, dans l’étude, en quête de connaissance et de compréhension, et œuvre dans l’espoir d’un partage universel.
“Moine thuriféraire en l’Abbaye d’Hauterive”, notice rédigée pour le catalogue de l’exposition Corpus II — Le corps isolé
Documentation photographique de l’exposition au Musée d’Histoire et d’Art de Fribourg : © Francesco Ragusa / MAHF